Je reproduis ici la Chronique de (l'excellent) Philippe Belhache consultable sur (le non moins hautement recommandable) BD blog de la rédac de Sud-Ouest:
http://bd.blogsudouest.com/2007/11/17/% ... nn-dupuis/
Et si « Le tombeau des Champignac » était le plus subversif des Spirou & Fantasio écrit à ce jour ? Mais aussi le plus schizophrène ? Ce troisième « one shot » de la série parallèle « Une aventure de Spirou et Fantasio par… », confié au duo Yann et Tarrin, semble de fait écartelé entre deux extrêmes, l’hommage béat à l’œuvre d’André Franquin d’une part, le pilonnage en règle des codes narratifs de la série de l’autre.
Les deux hommes ont de fait pris le parti de se placer dans une ligne graphique « vintage », truffant l’album de références à l’âge d’or de la série : retour en grâce de la Turbotraction 1, réutilisation de la Zorglonde et de la Zorglumobile, des sérums X… Jusqu’au costume pyjama-bottes de Fantasio qui évoque les meilleures pages de « QRN sur Bretzelburg » ! Mais ils semblent par ailleurs trouver un malin plaisir à exacerber la personnalité des personnages secondaires. Fantasio se voit réhabilité – voire même surexploité – dans son rôle de faire-valoir maladroit d’un Spirou aux abonnés absents, aux côtés d’un comte de Champignac transmuté en savant fou pour le moins irresponsable, à la limite de la démence sénile, qui s’injecte du X4 comme d’autres se font des fixes. Et il y a Seccotine, azimutée du reportage transformée en bombe aguicheuse bien décidé à tourmenter la libido des deux personnages titres. Une sous intrigue qui prend souvent le pas – parfois même lourdement – sur la ligne narrative principale, la jeune femme draguant Fantasio avant de jeter son dévolu sur Spirou. Jusqu’où est allé Yann ? On est tenté de penser qu’entre autres animaux mythiques, l’homme a dissimulé dans ses pages un loup qu’au moins deux personnages ont bien pu entrevoir… Rien n’est dit, tout est suggéré. Mais pour peu qu’on ait l’esprit mal placé – comme votre serviteur – se profile une autre interprétation aux propos ambigus de Seccotine, à une main que l’on pourrait juger baladeuse, à une expression d’effroi de Fantasio sans grande justification… Voire même au gag de la tombe de madame Dupilon. Non ? Si. Rhôôôôôô (1)…
L’intrigue est elle-même bipartite. Elle balance entre une histoire de famille développée dans un décor de ruines – une bonne partie du château a fait les frais des maladresses du comte, ambiance d’apocalypse sur Cambrousse avec caveau moisi à la clef – et une énigme à résoudre au Népal. Yann a suffisamment de savoir-faire pour réunir les deux en un tout souvent échevelé mais cohérent. Reste que les gamineries des personnages secondaires tendent à en brouiller la lecture. De même que le graphisme de Tarrin. Non que le créateur graphique de « Violine » démérite sur « Spirou », loin s’en faut, d’autant qu’il a le bon goût de ne pas sacrifier son style sur l’autel érigé à Franquin. Mais trop d’hommages tue l’hommage. L’abus de références contraint fatalement à la comparaison. Et Tarrin en souffre, lui qui privilégie le mouvement et l’action, là où son illustre prédécesseur s’affirmait par une extrême précision. En résumé ? « Le tombeau des Champignac » est un album délirant mais déroutant. Et paradoxalement moins abouti que ceux réalisés par le duo Yoann & Vehlmann ou même Frank Le Gall, alors même que ces derniers sont bien loin de s’être imposés les mêmes contraintes.
(1) Copyright Raoul Cauvin.
Cette chronique, très respectueuse des auteurs (à mon sens) et dont l'argumentation est équilibrée reflète fort à propos mon ressenti à la lecture dans l'Hebdo. Si toutefois elle heurtait quelqu'un, libre à un modo de supprimer mon post
