[Avis de lecteurs] Spirou n°11 : Le gorille a bonne mine

[prejoris]

A lire avant de voter et/ou de poster :
> Merci de donner votre avis sur l'album uniquement si vous l'avez lu
> Comme nous sommes sur le forum de Franquin, entre passionnés, nous pourrions mettre la meilleure appréciation pour tous ses albums (car l'ensemble de son oeuvre est exceptionnel). Cependant, nous avons nos préférences. Donc, avant de voter, il vous faut choisir votre album préféré comme point de comparaison pour noter les autres (dans les sujets correspondants)
> Vous pouvez aussi poster un message pour justifier votre choix.
Dans ce cas, je vous demande seulement de ne pas dévoiler le scénario pour ceux qui n'ont pas encore lu l'album en question
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© DUPUIS, 1959 (cartonné)
© J'AI LU, 1992 (broché, livre de poche)

Vous trouverez deux histoires dans cet album.

Le gorille a bonne mine (41 pages) :
J'adore le milieu dans lequel se déroule cette aventure
Des personnages secondaires intéressants : Badman, Leblond et Leblon, le Docteur Zwart.
Le Marsupilami est une nouvelle fois présent
Finalement, une excellente histoire

Vacances sans histoires (19 pages) :
Le titre est trompeur ...et Ibn-Mah-Zoud
Quelques petites apparitions bien sympathiques : Gaston Lagaffe, Seccotine, Roulebille.
Un récit très agréable à lire .

[genma]

Ce n'est pas, selon moi, le Spirou que je retiendrais dans les meilleurs mais l'histoire est plaisante et se laisse agréablement lire..

[pedroiy]

Très bon Spirou qui nous mène loin de l'Europe...
Un Spirou et Fantasio aventuriers... Très très bon... Encore un personnage à la barbe delportienne .... One more !!!

[Che Guevara]

Album très intéressant, qui selon moi se rapproche plus du Prisonnier du Bouddha et des Zorglubs que des Spirous plus anciens, comme Le repaire de la Murène, néanmoins très bien. De plus, c'est une aventure ou seuls Spirou, Fantasio, Spip et le Marsupilami sont présents et comme plus tard dans QRN, Franquin s'en sort très bien!

[houba !]

J'adore cet album. Quelques scènes mythiques.
Vive l'Afrique ! Un continent qui, comme l'Amérique du Sud, réussit bien à Spirou et Fantasio.

[marcelinswitch]

Merci Che Guevara d'avoir réactualiser ce topic, j'étais passé à côté.

Le gorille a mauvaise mine, est le titre original d'une des histoires les plus sombres de la série.
En effet sous ses dehors d'une énième aventure exotique en Afrique, André Franquin s'est très bien documenté et a donné à son scénario des bases très réelles. Il réussit en 40 planches le tour de force de construire une trame riche, traitant de problèmes graves.

Cela commence par ce titre, qui fut tronqué par les services commerciaux de Dupuis. C'est pourtant explicite concernant la situation des gorilles des montagnes à l'époque en 1956, protégés mais plus que jamais menacés.
Cet intérêt que démontrent Spirou et Fantasio pour ces gorilles fait écho au travail que fera Diane Fossey quelques années plus tard en 1963. Journaliste au National Geographic, elle deviendra célèbre avec son livre Gorilles dans la brume qui lui permettra de fonder un institut contribuant ainsi à pérenniser l'espèce (il reste environ 650 gorilles des montagnes aujourd'hui).
Ici, Spirou et Fantasio sont en free-lance, ils ne sont employés ni par le Moustique ni par le Journal Spirou: c'est du grand reportage. D'ailleurs cette expédition photographique donnera lieu dans Le nid des Marsupilamis à un projet de ciné-conférence pour "Découverte de notre monde" pastiche à peine caché de l'organisation Exploration du monde, créée en 1950.

Le décor est aussi très bien planté avec la carte du Congo belge (il deviendra indépendant en 1960) sur la 2 CV de nos héros. Un point nous montre où se situe le lieu de l'expédition: l'actuelle province du Kivu, en proie aux troubles aujourd'hui. On peut même préciser le site où nos héros opèrent: 100 km au nord du Mont Karisimbi (cité pl.7, case 4), qui fait partie de la chaîne des Montagnes de la Virunga, futur champ de recherche de Diane Fossey.
Les populations locales parlent Swahili dans l'album, langue en effet usitée dans cette partie de l'Afrique.

Ces indigènes ne sont pas à la fête dans cette histoire. S'ils ne servent pas de main d'oeuvre peu chère dans la mine administrée par Badman (les exploitations étaient contrôlées par de grosses compagnies minières), ils sont enlevés pour devenir esclaves dans une mine clandestine.
C'est là la malédiction du Congo, une très grande richesse de son sol, notamment en or, qui attisera tous les appétits, et encore aujourd'hui. On parlait de "scandale géologique" à l'époque de la colonisation.
Une des plus belles images de l'album, planche 38 case 6, quand nos héros délivrent les esclaves de leurs chaînes. La traite, sujet plus que grave: alors cette histoire est elle le "Coke en stock" de Franquin ?

Le gorille a mauvaise mine, une histoire à vraiment réévaluer dans l'oeuvre Spirou d'André Franquin.

[jiju40000]

/

[marcelinswitch]

Le service commercial de Dupuis pensait que le terme "mauvais" dans le titre pouvait nuire aux ventes de l'album. C'est ainsi que Le gorille a mauvaise mine est devenu Le gorille a bonne mine, perdant de ce fait tout son sens .

[pedroiy]

Merci Marcelinswitch pour ce formidable éclairage de cette oeuvre de Franquin...

[houba !]

Une des plus belles images de l'album, planche 38 case 6, quand nos héros délivrent les esclaves de leurs chaînes.

"Ca vaut tout l'or du monde..."

[Flocflocfloc]

Une des plus belles images de l'album, planche 38 case 6, quand nos héros délivrent les esclaves de leurs chaînes.

"Ca vaut tout l'or du monde..."

Bin, ça fait partie pour moi des aspects un peu déplaisants de cet album. Un des instants où ça frôle le tintin au congo. Certes, du bon côté, anticolonial tiesclavagiste tout ça, mais avec un pointe de ti sont mignons tilibérés tizanimaux qui me chicane un chouya. Je n'arrive pas à m'identifier à un de ces esclaves libérés, dans le sens où le ça y en a bien vrai toi y en a gentil puis youpiii tagada la nature je les sens pas, comme réaction. A la limite pour des gamins qu'ont la récré plus tôt, mais précisément, à moins de considérer ces gars-là comme de "grands enfants vous savez"...

Enfin, je cherche à comparer avec d'éventuelles scènes de libérations de blancs (y en a pas beaucoup de massives à me revenir en mémoire, même du côté des sept bouddhas), mais il me semble qu'une cohorte de prisonniers blancs dont on ôterait les chaînes seraient représentés réagissant différemment. Avec des "ha ha ha ça fait plaisir à voir" qui sonneraient différemment.

Bref, l'album n'échappe pas, au final, à un côté hyper-paternaliste genre Société des Amis des Noirs, qui, bien sûr, est un stade normal de l'évolution vers l'antiracisme, mais qui est (heureusement!) assez dépassé pour mettre un peu mal à l'aise de nos jours. Pas la faute de franquin si on en était encore à avoir, comme avant-garde du combat humaniste, un "les noirs ils sont gentils en vrai, faut pas en profiter". Pas la faute d'hergé non plus si lui en était à "les noirs ils sont gentils faut leur apprendre". Mais je suis un peu étonné que là, aujourd'hui, là, ça fasse pas tiquer plus que ça.

Enfin, voilà. Ca reste une lecture un peu niaise et pleine de fausses bonnes intentions maladroites, et pleine d'africains à mi-chemin entre la faune locale et les vrais gens. Je ne dis pas que Franquin n'était pas l'un des auteurs les plus radicalement sains de sa période. Je dis juste que là, y a à sourciller avec le recul. Et avec indulgence (je préconise).

Le reste, super ambiance africaine, excellent atmosphère géographique, intrigue un peu faible mais ici intrigue prétexte, et scènes d'anthologie (tout ce qui a trait au costume de gorille, par exemple). Et puis, aussi, sublime ambiance de rue à la première page, du 100% franquin pleine force. En apothéose avec la boutique du taxidermiste.

[LaurentV]

Bref, l'album n'échappe pas, au final, à un côté hyper-paternaliste genre Société des Amis des Noirs, qui, bien sûr, est un stade normal de l'évolution vers l'antiracisme, mais qui est (heureusement!) assez dépassé pour mettre un peu mal à l'aise de nos jours.

Vu sous cet angle, c'est quand même un sacré progrès par rapport à la vision des noirs dans Spirou chez les Pygmées, avec les noirs qui deviennent bruns quand on les lave.

[Flocflocfloc]

Oui. Ca, franquin il en est tout gêné.

[houba !]

Une des plus belles images de l'album, planche 38 case 6, quand nos héros délivrent les esclaves de leurs chaînes.

"Ca vaut tout l'or du monde..."

La citation exacte étant "Ca vaut de l'or..."

[houba !]

]

Une des plus belles images de l'album, planche 38 case 6, quand nos héros délivrent les esclaves de leurs chaînes.

"Ca vaut tout l'or du monde..."

Bin, ça fait partie pour moi des aspects un peu déplaisants de cet album. Un des instants où ça frôle le tintin au congo. Certes, du bon côté, anticolonial tiesclavagiste tout ça, mais avec un pointe de ti sont mignons tilibérés tizanimaux qui me chicane un chouya. Je n'arrive pas à m'identifier à un de ces esclaves libérés, dans le sens où le ça y en a bien vrai toi y en a gentil puis youpiii tagada la nature je les sens pas, comme réaction. A la limite pour des gamins qu'ont la récré plus tôt, mais précisément, à moins de considérer ces gars-là comme de "grands enfants vous savez"...

Enfin, je cherche à comparer avec d'éventuelles scènes de libérations de blancs (y en a pas beaucoup de massives à me revenir en mémoire, même du côté des sept bouddhas), mais il me semble qu'une cohorte de prisonniers blancs dont on ôterait les chaînes seraient représentés réagissant différemment. Avec des "ha ha ha ça fait plaisir à voir" qui sonneraient différemment.

Bref, l'album n'échappe pas, au final, à un côté hyper-paternaliste genre Société des Amis des Noirs, qui, bien sûr, est un stade normal de l'évolution vers l'antiracisme, mais qui est (heureusement!) assez dépassé pour mettre un peu mal à l'aise de nos jours. Pas la faute de franquin si on en était encore à avoir, comme avant-garde du combat humaniste, un "les noirs ils sont gentils en vrai, faut pas en profiter". Pas la faute d'hergé non plus si lui en était à "les noirs ils sont gentils faut leur apprendre". Mais je suis un peu étonné que là, aujourd'hui, là, ça fasse pas tiquer plus que ça.

Enfin, voilà. Ca reste une lecture un peu niaise et pleine de fausses bonnes intentions maladroites, et pleine d'africains à mi-chemin entre la faune locale et les vrais gens. Je ne dis pas que Franquin n'était pas l'un des auteurs les plus radicalement sains de sa période. Je dis juste que là, y a à sourciller avec le recul. Et avec indulgence (je préconise).

Je crois que c'est un album qui s'inscrit dans son époque, et c'est aussi ce qui fait son charme.
Tu soulignes très bien que de nos jours on n'aborde plus les choses de cette façon là (et heureusement). Mais c'était une réalité de l'époque, et une réalité qui ne gâche pas ma lecture aujourd'hui, parce que ce qui me plaît dans cet album est ailleurs, complètement en dehors de cet aspect paternaliste.

Le reste, super ambiance africaine, excellent atmosphère géographique, intrigue un peu faible mais ici intrigue prétexte, et scènes d'anthologie (tout ce qui a trait au costume de gorille, par exemple). Et puis, aussi, sublime ambiance de rue à la première page, du 100% franquin pleine force. En apothéose avec la boutique du taxidermiste.

C'est cela que je retiens de cet album.