Vous avez traité différents sujets, parfois graves, dans les aventures de Spirou et Fantasio. Notamment, le racisme.
Ce n’est pas parce que l’on réalise des bandes dessinées pour enfants, qu’il faut leur raconter des histoires basiques. Ce serait une insulte à leur intelligence. Spirou et Fantasio sont ancrés dans l’actualité, et sont donc proches des gens. Ce serait le mauvais choix de ne pas aborder des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien. Ceci dit, nous sommes contre le militantisme. Pour reprendre votre exemple concernant le racisme : nous n’avons jamais écrit dans l’album un texte qui dit clairement que le racisme est quelque chose de mal, de mauvais. Nous trouvons qu’il est plus naturel, plus sain, que le lecteur comprenne à la fin de l’histoire que le racisme est quelque chose d’idiot. On peut y incorporer des éléments drôles car « rire » du racisme est quelque part une forme de déconnexion. Mais bien entendu, cela ne doit pas se faire au détriment du message principal. Le but essentiel est de faire rire, d’apporter une détente, en mettant en filigrane un message que les lecteurs sont libres d’adopter.
Franquin, lui-même, n’a jamais été aussi bon, dans ce domaine, que dans le Dictateur et le Champignon. Il a imaginé le Metomol, une arme qui détruit les armes. C’est un message fort, qui dépasse le discours simpliste qui consiste à dire : « Ce n’est pas bien les armes ! ».
Par contre, Franquin a été parfois un peu pénible en axant de nombreux gags de Gaston sur les parcmètres. On sentait qu’il se servait de Gaston pour régler un problème. Cela devenait un acte militant.
Justement, quel a été votre relation avec Franquin… Vous avez écrit quelques gags pour Gaston.
Nos rapports étaient symboliques. Lorsque nous avons eu la possibilité de reprendre Spirou, nous avons téléphoné à Franquin. Nous voulions nous informer auprès de lui des contraintes de ce personnage. Mais nous nous sommes vite rendus compte que, pour lui, Spirou était de l’histoire ancienne. Nous avons alors parlé de la vie, de notre métier. Nous avons effectivement travaillé un tout petit peu pour lui. C’était étonnant et enthousiasmant de s’immiscer dans le travail d’un maître comme lui.
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