C'est un sentiment de plaisir que de lire un nouveau Spirou. Plaisir renforcé que cela fait 15 ans (depuis "Luna Fatale") que je n'avais pas lu un "Spirou" nouveau qui soit un bon Spirou.
Malgré cette satisfaction de lecteur il y a néanmoins des bémols. Le 1er d'entre eux, et non des moindres, c'est qu'il ne se passe pas grand chose dans cette histoire. Tout le monde sait que Vehlmann est un grand scénariste, il l'a démontré à de nombreuses reprises. Qu'il applique son talent à Spirou ! Lui qui dit s'inspirer de Franquin, qu'il le fasse ! Même Franquin au scénario (et pourtant, il n'est pas toujours reconnu pour ça) densifie beaucoup mieux une histoire de Spirou.
Attention, je n'ai pas dit que le scénario de ce n°51 était mauvais, au contraire l'idée de départ est bonne, mais on ne peut pas dire que les péripéties soient extraordinaire et que dire du final (raté selon moi).
Autant commencé par le début, autant je trouve la couverture belle, autant je déteste ce titre que je trouve vulgaire. Franquin qui aimait jouer sur les doubles sens n'était sûrement pas présents dans l'esprit des auteurs au moment du choix. Le 1er titre sorti "Il y a un(des) monstre(s) à Champignac !" était beaucoup plus énigmatique avec un clin d'oeil sympa.
Au niveau des couleurs, celles d'Hubert sont superbe dans la forêt transformée, elle rajoute en plus un côté inquiétant à celle-ci. Par contre, quand il s'agit du monde normal, je les trouve un peu ternes.
Quant au design de Fred Blanchard, je le trouve pas adapté pour les véhicules, surtout les bagnoles. C'était une des marques de fabrique de la série depuis Franquin, avec une reproduction scrupuleuse de voiture existante. Ici, c'est vraiment du réinventé (pourquoi pas ?) mais ce n'est pas dans l'esprit du "plausible" de la série. C'est moins gênant quand ça concerne un bombardier (fort joli d'ailleurs) car on ne connaît pas tous les fabriquants
, ça l'est plus pour les voitures utilisées par Spirou (c'est quoi ce van Citroën ?).
On en vient au coeur de la bd. Le dessin de Yoann, on le connaît ; et c'est vrai qu'il s'est "classicisé" même si cela reste du Yoann. Je n'aime toujours pas Fantasio en chauve. Je trouve qu'il a pris la mesure des persos récurrents. J'aime bien Spirou, Zorglub ets très franquinien, les villageois (le maire, Dupilon, Duplumier) sont réussis. Juste un petit bémol par rapport au comte qui a un visage un peu bizarre au début mais le trait s'améliore à la fin de l'album.
Les monstres sont superbes et je trouve que le dinosaure est vraiment magnifique.
Yoann réussit vraiment ses grandes cases (le bourg de Champignac, la cabane du comte, les gens bloqué sur la voie ferrée).
Pour moi Yoann réussit l'épreuve de son "premier" Spirou, malgré un design automobile qui ne me plaît pas et un lettrage à améliorer, bon sang, cela devient presque désagréable à la lecture !
Concernant le scénario, c'est sans doute là que j'ai été le plus déçu, aimant bien Vehlmann. Outre ce que j'ai déjà dit sur le peu d'actions au sein de l'histoire et cette fin ratée, je trouve que certaines ellipses narratives sont mal placées et mal découpées. J'ai été parfois dérangé dans ma lecture en revenant en arrière croyant avoir sauté une page, comme à la page 23 où c'est le plus flagrant.
Au niveau du traitement des personnages, on ne peut pas dire que Zorglub soit intéressant dans cet album. Les Zorkons sont aussi un point faible de l'album selon moi, totalement inintéressants. Peut-être aurait-il fallu plus insister sur l'armée ? Quant à la raison de tout ce bazar ainsi que sa résolution (l'auteur semble pourtant s'en rendre compte puisqu'il se moque du comte), ça sent un peu le travail bâclé et c'est dommage.
Par contre, domaine dans le quel l'auteur est très bon, c'est l'humour. Le duo Spirou-Fantasio fonctionne à merveille et Spip balance quelques trucs (pas très drôles par contre, il faudra faire des progrès). Le père Raymond est extra.
J'espère donc du prochain épisode un peu plus d'aventure, d'épopée.